Le professeur
Quelques liens de parenté intellectuelle avec Gérard Bergeron
Il y a des parallèles à établir entre Gérard Bergeron et Jacques Zylberberg. Dans un livre qui rend hommage à Gérard Bergeron (Lapierre, Lemieux, Zylberberg, 1992; Zylberberg, 1992), on peut y lire ce qui suit: «Ce contemporain des catastrophes, des mutations et des rigidités du vingtième siècle a affronté les dynamiques politiques, écartelé entre sa triple vocation d’homme pensant, d’homme parlant, d’homme écrivant. Il a assisté aux bouleversements universels et locaux, divisé entre les valeurs patriotiques, l’horizon planétaire et l’exigence de raison» (Lapierre, Lemieux, Zylberberg, 1992: 4). Dans ce court extrait, on croit entendre la voix de Jacques Zylberberg qui parle aussi de lui-même. D’ailleurs, bien des années plus tard, en réfléchissant à la complexité qu’il explicite à partir de trois concepts-clés, la sagesse, la lucidité et la liberté, Zylberberg fera ressortir ses liens de parenté intellectuelle avec Bergeron car pour l’un comme pour l’autre, l’État est un concept central pour comprendre le monde. A ce sujet, Zylberberg dira:
«Dans ce monde contemporain où nous sommes... C’est Bergeron qui avait inventé le titre Être contemporain, qui m’avait beaucoup plu. J’avais tout de suite dit: «oui». Dans la préface aux mélanges qui lui sont dédiés, je parle justement de ce petit être, Bergeron, qui était un gringalet, tout fragile, un petit lutin; et il est là, face aux grandes marées qui déferlent, l’Église par exemple. Il tiendra le coup. Il ne fera pas un bon chrétien aux yeux du père Lévesque [le fondateur de la faculté des sciences sociales de l’Université Laval]. Donc, petit à petit, en utilisant la notion de problème à poser, mon problème devient le suivant: c’est que l’État, la loi, la fameuse loi que m’a foutue la psychanalyse lacanienne sur la tête, la loi, et, dans mon cas, ça veut aussi dire l’État, l’État fusionne et fissure en permanence mes trois catégories [sagesse, lucidité, liberté]» (Laflamme, 2009: 75-76).
Un autre parallèle peut être établi entre ces deux «lettrés polémiques» c’est-à-dire celui qui veut comprendre, celui qui est curieux et inquiet à la fois (Lapierre, Lemieux, Zylberberg, 1992: 6). En effet, l’un comme l’autre a enseigné pendant de nombreuses années. Une fois de plus, Zylberberg parle de Bergeron en laissant entendre sa propre voix. Il dira: «Gérard Bergeron [...] n’a jamais rien écrit sur sa carrière d’enseignant et n’en parle que par allusion feutrée. On s’imagine cependant la rage quotidienne face à l’arbitrage nécessaire entre le temps de l’information, le temps de la réflexion, le temps de la communication et le temps de l’inordination administrative» (Lapierre, Lemieux, Zylberberg, 1992: 6). Plus d’une fois, dans nos échanges verbaux en face à face ou encore par téléphone, le professeur Zylberberg nous mettait en garde face à ces paradoxes entourant le métier de professeur. Il nous répétait de se méfier de diverses tâches administratives associées au poste de professeur d’université, les considérant comme des formes de futilités voire un «mal nécessaire» par rapport à l’enseignement et à la recherche.
Références bibliographiques
Laflamme, Simon. «La complexité comme sagesses, lucidité, et liberté: entrevue avec Jacques Zylberberg, Université Laval, Québec» dans Nouvelles perspectives en sciences sociales: revue internationale de systémique complexe et d’études relationnelles, vol. 4, no 2, 2009, p. 69-81. [En ligne] http://id.erudit.orgG/iderudit029893ar (document téléchargé le 4 juin 2012).
Lapierre, Jean-William, Lemieux, Vincent, Zylberberg, Jacques (sous la direction de). Etre contemporain. Mélanges en l’honneur de Gérard Bergeron. Québec, Presses de l’Université du Québec, École nationale d’administration publique, 1992, 518p.
Zylberberg, Jacques. «L’État dans tous ses états. Notes sur la gestion fractale des liens sociaux dans la postmodernité» dans Lapierre, Jean-William, Lemieux, Vincent , Zylberberg, Jacques (sous la direction de). Etre contemporain. Mélanges en l’honneur de Gérard Bergeron. Québec, Presses de l’Université du Québec, École nationale d’administration publique, 1992, p. 477- 482.
http://www.jacqueszylberberg.org/le-professeur.htm - 2024-10-11